- Lorch Tyren Weblogue - Bienvenue !

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

dimanche 24 juillet 2005

Haïku

Le voleur a tout emporté
sauf la lune
qui était à ma fenêtre.
Ryôkan

jeudi 14 juillet 2005

Zazen

Sur les eaux de l'esprit
La lune paisiblement s'épanouit.
Qu'une vague les trouble
Elle pénètre jusqu'au fond
Et la boue devient lumière.
Dôgen Zenji (Poèmes zen du maître Dôgen)

lundi 4 juillet 2005

Si

Si j'étais grand,
Si j'étais riche...
Si seulement
j'avais les yeux du chat
pour visiter la nuit.
Geneviève Raphanael

mercredi 22 juin 2005

Haïku

La brise de ce matin
courbe les poils
d'une chenille.
Buson

samedi 4 juin 2005

Clocher

J'ai tendu des cordes
de clocher à clocher;
des guirlandes de fenêtre à fenêtre;
des chaînes d'or d'étoile à étoile,
et je danse.
Arthur Rimbaud

vendredi 1 avril 2005

La nuit de Décembre


LE POETE:
"Du temps que j'étais écolier,
Je restais un soir à veiller
Dans notre salle solitaire.
Devant ma table vint s'asseoir
Un pauvre enfant vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Son visage était triste et beau
A la lueur de mon flambeau,
Dans mon livre ouvert il vint lire.
II pencha son front sur ma main,
Et resta jusqu'au lendemain,
Pensif, avec un doux sourire.

nuit_decembre Comme j'allais avoir quinze ans,
Je marchais un jour, à pas lents,
Dans un bois, sur une bruyère.
Au pied d'un arbre vint s'asseoir,
Un jeune homme vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Je lui demandai mon chemin;
Il tenait un luth d'une main,
De l'autre un bouquet d'églantine.
Il me fit un salut d'ami,
Et, se détournant à demi,
Me montra du doigt la colline.

A l'âge où l'on croit à l'amour,
J'étais seul dans ma chambre un jour,
Pleurant ma première misère.
Au coin de mon feu vint s'asseoir
Un étranger vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Il était morne et soucieux;
D'une main il montrait les cieux,
Et de l'autre il tenait un glaive.
De ma peine il semblait souffrir,
Mais il ne poussa qu'un soupir,
Et s'évanouit comme un rêve.

A l'âge où l'on est libertin,
Pour boire un toast en un festin,
Un jour je soulevai mon verre.
En face de moi vint s'asseoir
Un convive vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Il secouait sous son manteau
Un haillon de pourpre en lambeau,
Sur sa tête un myrte stérile.
Son bras maigre cherchait le mien,
Et mon verre, en touchant le sien,
Se brisa dans ma main débile.

Un an après, il était nuit;
J'étais à genoux près du lit
Où venait de mourir mon père.
Au chevet du lit vint s'asseoir
Un orphelin vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

solitudina Ses yeux étaient noyés de pleurs;
Comme les anges de douleurs,
Il était couronné d'épine;
Son luth à terre était gisant,
Sa pourpre de couleur de sang,
Et son glaive dans sa poitrine.

Je m'en suis si bien souvenu,
Que je l'ai toujours reconnu
A tous les instants de ma vie.
C'est une étrange vision,
Et cependant, ange ou démon,
J'ai vu partout cette ombre amie.

Lorsque plus tard, las de souffrir,
Pour renaître ou pour en finir,
J'ai voulu m'exiler de France;
Lorsqu'impatient de marcher,
J'ai voulu partir, et chercher
Les vestiges d'une espérance;

A Pise, au pied de l'Apennin;
A Cologne, en face du Rhin;
A Nice, au penchant des vallées;
A Florence, au fond des palais;
A Brigues, dans les vieux chalets;
Au sein des Alpes désolées;

A Gênes, sous les citronniers;
A Vevay, sous les verts pommiers;
Au Havre, devant l'Atlantique;
A Venise, à l'affreux Lido,
Où vient sur l'herbe d'un tombeau
Mourir la pâle Adriatique;

Partout où, sous ces vastes cieux,
J'ai lassé mon coeur et mes yeux,
Saignant d'une éternelle plaie;
Partout où le boiteux Ennui,
Traînant ma fatigue après lui,
M'a promené sur une claie;

Partout où, sans cesse altéré
De la soif d'un monde ignoré,
J'ai suivi l'ombre de mes songes;
Partout où, sans avoir vécu,
J'ai revu ce que j'avais vu,
La face humaine et ses mensonges;

Partout où, le long des chemins,
J'ai posé mon front dans mes mains,
Et sangloté comme une femme;
Partout où j'ai, comme un mouton,
Qui laisse sa laine au buisson,
Senti se dénuer mon âme;

Partout où j'ai voulu dormir,
Partout où j'ai voulu mourir,
Partout où j'ai touché la terre,
Sur ma route est venu s'asseoir
Un malheureux vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Qui donc es-tu, toi que dans cette vie
Je vois toujours sur mon chemin ?
Je ne puis croire, à ta mélancolie,
Que tu sois mon mauvais Destin.
Ton doux sourire a trop de patience,
Tes larmes ont trop de pitié.
En te voyant, j'aime la Providence.
Ta douleur même est soeur de ma souffrance;
Elle ressemble à l'Amitié.

Qui donc es-tu ? - Tu n'es pas mon bon ange,
Jamais tu ne viens m'avertir.
Tu vois mes maux (c'est une chose étrange !)
Et tu me regardes souffrir.
Depuis vingt ans tu marches dans ma voie,
Et je ne saurais t'appeler.
Qui donc es-tu, si c'est Dieu qui t'envoie ?
Tu me souris sans partager ma joie,
Tu me plains sans me consoler !

Ce soir encor je t'ai vu m'apparaître.
C'était par une triste nuit.
L'aile des vents battait à ma fenêtre;
J'étais seul, courbé sur mon lit.
J'y regardais une place chérie,
Tiède encor d'un baiser brûlant;
Et je songeais comme la femme oublie,
Et je sentais un lambeau de ma vie
Qui se déchirait lentement.

Je rassemblais des lettres de la veille,
Des cheveux, des débris d'amour.
Tout ce passé me criait à l'oreille
Ses éternels serments d'un jour.
Je contemplais ces reliques sacrées,
Qui me faisaient trembler la main
Larmes du coeur par le coeur dévorées,
Et que les yeux qui les avaient pleurées
Ne reconnaîtront plus demain !

J'enveloppais dans un morceau de bure
Ces ruines des jours heureux.
Je me disais qu'ici-bas ce qui dure,
C'est une mèche de cheveux.
Comme un plongeur dans une mer profonde,
Je me perdais dans tant d'oubli.
De tous côtés j'y retournais la sonde,
Et je pleurais, seul, loin des yeux du monde,
Mon pauvre amour enseveli.

J'allais poser le sceau de cire noire
Sur ce fragile et cher trésor.
J'allais le rendre, et, n'y pouvant pas croire,
En pleurant j'en doutais encor.
Ah ! faible femme, orgueilleuse insensée,
Malgré toi, tu t'en souviendras !
Pourquoi, grand Dieu ! mentir à sa pensée ?
Pourquoi ces pleurs, cette gorge oppressée,
Ces sanglots, si tu n'aimais pas ?

Oui, tu languis, tu souffres, et tu pleures;
Mais ta chimère est entre nous.
Eh bien, adieu ! Vous compterez les heures
Qui me sépareront de vous.
Partez, partez, et dans ce coeur de glace
Emportez l'orgueil satisfait.
Je sens encor le mien jeune et vivace,
Et bien des maux pourront y trouver place
Sur le mal que vous m'avez fait.

Partez, partez ! la Nature immortelle
N'a pas tout voulu vous donner.
Ah ! pauvre enfant, qui voulez être belle,
Et ne savez pas pardonner !
Allez, allez, suivez la destinée;
Qui vous perd n'a pas tout perdu.
Jetez au vent notre amour consumée;
Éternel Dieu ! toi que j'ai tant aimée,
Si tu pars, pourquoi m'aimes-tu ?

Mais tout à coup j'ai vu dans la nuit sombre
Une forme glisser sans bruit.
Sur mon rideau j'ai vu passer une ombre;
Elle vient s'asseoir sur mon lit.
Qui donc es-tu, morne et pâle visage,
Sombre portrait vêtu de noir ?
Que me veux-tu, triste oiseau de passage ?
Est-ce un vain rêve ? est-ce ma propre image
Que j'aperçois dans ce miroir ?

Qui donc es-tu, spectre de ma jeunesse,
Pèlerin que rien n'a lassé ?
Dis-moi pourquoi je te trouve sans cesse
Assis dans l'ombre où j'ai passé.
Qui donc es-tu, visiteur solitaire,
Hôte assidu de mes douleurs ?
Qu'as-tu donc fait pour me suivre sur terre ?
Qui donc es-tu, qui donc es-tu, mon frère,
Qui n'apparais qu'au jour des pleurs ?

LA VISION:
- Ami, notre père est le tien.
Je ne suis ni l'ange gardien,
Ni le mauvais destin des hommes.
Ceux que j'aime, je ne sais pas
De quel côté s'en vont leurs pas
Sur ce peu de fange où nous sommes.

Je ne suis ni dieu ni démon,
Et tu m'as nommé par mon nom
Quand tu m'as appelé ton frère;
Où tu vas, j'y serai toujours,
Jusques au dernier de tes jours,
Où j'irai m'asseoir sur ta pierre.

Le ciel m'a confié ton coeur.
Quand tu seras dans la douleur,
Viens à moi sans inquiétude.
Je te suivrai sur le chemin;
Mais je ne puis toucher ta main,
Ami, je suis la Solitude."

Alfred de Musset

samedi 26 mars 2005

Le Fou d'Elsa

aragon
Que ce soit dimanche ou lundi
Soir ou matin minuit midi
Dans l'enfer ou le paradis
Les amours aux amours ressemblent
C'était hier que je t'ai dit
Nous dormirons ensemble

C'était hier et c'est demain
Je n'ai plus que toi de chemin
J'ai mis mon coeur entre tes mains
Avec le tien comme il va l'amble
Tout ce qu'il a de temps humain
Nous dormirons ensemble

Mon amour ce qui fut sera
Le ciel est sur nous comme un drap
J'ai refermé sur toi mes bras
Et tant je t'aime que j'en tremble
Aussi longtemps que tu voudras
Nous dormirons ensemble

Louis Aragon

samedi 12 mars 2005

Ballade du passage


nostagie Vivants blindés
Gisants de glace
On vit on passe
Dans une ondée

Cœurs déchirés
S'agitent et cassent
Faute de place
Couteaux tirés

Esprits bridés
Désirs fugaces
La vie déplace
Les coups de dés

Toute pensée
Ou toute audace
Sous la menace
Est dépassée

Destins froissés
Au fond des nasses
Muets s'entassent
Les temps passés

Georges Cathalo

dimanche 6 mars 2005

Je Suis Fou


cheval-fou Quand on est fou, c'est pour longtemps.
Je le suis, ma foi, et m'en vante.
Trouvez-moi, quand la guerre vente,
Meilleur moyen d'être content.

Les hommes ont fait de ce temps
Une vraie boutique où se vendent
Les plus fallacieuses des viandes.
Moi, je suis fou, heureusement.

Je puis encor, le coeur content,
Libre au soleil, courir les pentes,
Me gorger d'une odeur de menthe
Me croire oiseau, aller volant,
Etre aussi fou que je l'entends.

Maurice CAREME, De plus loin que la nuit

mercredi 2 mars 2005

La boîte à visages


visageorphee La petite boîte est dorée,
Finement ciselée.
Fermée par une perle d'eau,
Elle renferme des mots.

Ce sont des mots d'un autre âge
Ecrits sur des milliers de pages.
Ce sont des mots de Bonheur, de Douceur,
Des mots contre la peur.

La petite fille est émerveillée
D'avoir rencontré sur le papier
Des centaines de messages,
Des milliers de visages.

La boîte s'est refermée sur son coeur,
En a absorbé les pleurs,
Histoire d'accueillir
Un autre rire.

Lecso Baoll

samedi 19 février 2005

Le pays bleu


eaubleue Au pays bleu, tout est bleu, ou presque.
D'ailleurs est-ce vraiment bleu?
La mer est bleue,
Le sable est jaune, les poissons bleus.
Les algues vertes, ou rouges, ou bleues.
Même, parfois, elles peuvent être noires,
Mais c'est plus rare.
Toi, tu as les yeux bleus,
Fais-tu partie du pays bleu?

Lecso Baoll

lundi 14 février 2005

Une amoureuse flamme


rose Une amoureuse flamme
Consume mes beaux jours ;
Ah ! la paix de mon âme
A donc fui pour toujours !

Son départ, son absence
Sont pour moi le cercueil ;
Et loin de sa présence
Tout me paraît en deuil.

Alors, ma pauvre tête
Se dérange bientôt ;
Mon faible esprit s'arrête,
Puis se glace aussitôt.

Une amoureuse flamme
Consume mes beaux jours ;
Ah ! la paix de mon âme
A donc fui pour toujours !

je suis à ma fenêtre,
Ou dehors, tout le jour,
C'est pour le voir paraître,
Ou hâter son retour.

Sa marche que j'admire,
Son port si gracieux,
Sa bouche au doux sourire,
Le charme de ses yeux ;

La voix enchanteresse
Dont il sait m'embraser,
De sa main la caresse,
Hélas ! et son baiser...

D'une amoureuse flamme
Consumant mes beaux jours ;
Ah ! la paix de mon âme
A donc fui pour toujours !

Mon coeur bientôt se presse,
Dès qu'il le sent venir ;
Au gré de ma tendresse
Puis-je le retenir ?

Ô caresses de flamme !
Que je voudrais un jour
Voir s'exhaler mon âme
Dans ses baisers d'amour !

Gérard de NERVAL

vendredi 11 février 2005

C'était l'hiver


darkfairy Elle disait "j'ai déjà trop marché,
Mon cœur est déjà trop lourd de secrets,
Trop lourd de peines"
Elle disait "je ne continue plus,
Ce qui m'attend, je l'ai déjà vécu.
C'est plus la peine"

Elle disait que vivre était cruel
Elle ne croyait plus au soleil
Ni aux silences des églises
Même mes sourires lui faisaient peur
C'était l'hiver dans le fond de son cœur

Elle disait que vivre était cruel
Elle ne croyait plus au soleil
Ni aux silences des églises
Même mes sourires lui faisaient peur
C'était l'hiver dans le fond de son cœur

Le vent n'a jamais été plus froid
La pluie plus violente que ce soir-là
Le soir de ses vingt ans
Le soir où elle a éteint le feu
Derrière la façade de ses yeux
Dans un éclair blanc

Elle a sûrement rejoint le ciel
Elle brille à côté du soleil
Comme les nouvelles églises
Mais si depuis ce soir-là je pleure
C'est qu'il fait froid dans le fond de mon cœur

Elle a sûrement rejoint le ciel
Elle brille à côté du soleil
Comme les nouvelles églises
Mais si depuis ce soir-là je pleure
C'est qu'il fait froid dans le fond de mon cœur

Francis Cabrel (en hommage à sa soeur)

Le serpent qui danse


lilith Que j'aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau!

Sur ta chevelure profonde
Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,

Comme un navire qui s'éveille
Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.

Tes yeux, où rien ne se révèle
De doux ni d'amer,
Sont deux bijoux froids où se mêle
L'or avec le fer.

A te voir marcher en cadence,
Belle d'abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d'un bâton.

jeanne_duval_1850
Jeanne Duval - 1850
Sous le fardeau de ta paresse
Ta tête d'enfant
Se balance avec la mollesse
D'un jeune éléphant,

Et ton corps se penche et s'allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l'eau.

Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l'eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,

Je crois boire un vin de Bohème,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D'étoiles mon coeur!

Charles Baudelaire

dimanche 6 février 2005

A Mademoiselle


Oui, femme, quoi qu'on puisse dire
Vous avez le fatal pouvoir
femme De nous jeter par un sourire
Dans l'ivresse ou le désespoir.

Oui, deux mots, le silence même,
Un regard distrait ou moqueur,
Peuvent donner à qui vous aime
Un coup de poignard dans le coeur.

Oui, votre orgueil doit être immense,
Car, grâce à notre lâcheté,
Rien n'égale votre puissance
Sinon, votre fragilité.

Mais toute puissance sur terre
Meurt quand l'abus en est trop grand,
Et qui sait souffrir et se taire
S'éloigne de vous en pleurant.

Quel que soit le mal qu'il endure,
Son triste sort est le plus beau.
J'aime encore mieux notre torture
Que votre métier de bourreau

Alfred de Musset